1980 MOINS DIX

Le dévoilement de l’exposition extérieure Lumin’Art 2025-26 de Vaudreuil-Dorion a eu lieu le 5 décembre. Les artistes étaient invités à proposer un thème de mise en scène pour l’installation annuelle et, cette fois, le projet a été confié à l’artiste Philippe Corriveau.

Le concept qu’il a imaginé est tellement amusant en partie parce qu’il est très personnel. On nous a invités à créer un autoportrait inspiré des années 1980 et/ou d’Andy Warhol. Pour ma part, j’associe plutôt Warhol aux années 50 et 60. Lorsque je faisais mon Baccalauréat en beaux arts à l’Université Concordia dans les années soixante-dix, Warhol figurait assurément dans le top dix des artistes évoqués par les professeurs lorsqu’ils discutaient du pop art. Comme les années 1970 ont été plus palpitantes pour moi que les années 1980, j’ai décidé de baser mon autoportrait sur cette décennie-là.   

Nous étions encouragés à nous référer à des photos de notre ancien moi. J’en ai retrouvé trois en noir et blanc qui me plaisaient. Comme beaucoup à cette époque, je portais des t-shirts que je teignais moi-même, des jeans délavés ou de longues jupes. Avoir une « marque de designer » voulait parfois dire s’allonger dans un bain rempli d’eau en portant ses jeans et les laisser sécher sur soi pour qu’ils deviennent le plus serrés possible. Je n’ai jamais eu la patience pour ça, mais je connaissais des gens qui le faisaient. Ils pouvaient à peine marcher, et je n’ose même pas mentionner les autres effets secondaires plus sérieux découlant de ce procédé ! 

Je portais les cheveux longs et, pendant un certain temps, j’avais des verres de contact verts qui donnaient un air d’un autre monde. Mais après avoir subi une abrasion de la cornée qui m’a laissée à regarder le monde à travers un brouillard de soupe aux pois pendant trois jours, j’ai décidé que les lentilles n’étaient plus une option pour moi. Les lunettes, dans les années soixante-dix, étaient…

IMMENSES.
  

Elles cachaient la moitié du visage. Celles et ceux qui en portaient avaient plutôt fière allure, car elles faisaient des miracles comme masque. Je me suis même mariée avec la paire que l’on voit dans les photos ci-dessous et, quand je regarde mon album de mariage, j’en suis mortifiée. Et pourtant, ces images montrent exactement qui j’étais à l’époque. Bien que les deux doubles expositions accidentelles soient fascinantes, j’ai choisi de m’inspirer des trois photos pour mon autoportrait.

Spécifications :
 L’œuvre devait mesurer 24 x 24 pouces. Les compositions à fort contraste devaient utiliser les couleurs suivantes : jaune, magenta-rose, orange, bleu pâle, vert et lilas. Et ce, pour une raison intéressante : les portraits de tous les artistes participants sont reproduits et installés sur une structure rappelant un cube Rubik au Parc 405. Les œuvres originales sont censées être exposées simultanément au pôle municipal.

 

Je deviens assez obsessionnelle lorsque je crée des autoportraits. Il se passe énormément d’introspection dans ce processus. Pour cette peinture en particulier, la nostalgie et les émotions profondes d’une jeune adulte essayant de comprendre le sens de la vie se sont ajoutées à la démarche. 

Ce n'est pas facile d'être verte, mais j’ai quand même choisi diverses teintes de vert — surtout des dégradés de lime — comme couleur dominante de ma peau. Même si mes lunettes étaient déjà grandes, j’ai décidé de les exagérer encore davantage, tout comme mes yeux. L’un des avantages de travailler à partir de photos en noir et blanc est que chaque élément peut devenir n’importe quelle couleur. J’ai donc fait mes lunettes d’un jaune éclatant.

Le portrait final, peint à l’acrylique, est une entité quelque peu décalée, réalisée dans un style expressionniste tacheté. De grands orbes pénétrants — les yeux d’une artiste — absorbent et ressentent tout ce qu’ils voient. Une femme beaucoup plus âgée, venue du futur, regarde son reflet dans le miroir du passé. Si je pouvais lui dire une seule chose, ce serait de se détendre, ce que je n’arrive toujours pas à faire.

 1980 moins dix  
 (Le titre m’a été suggéré par mon amie Monica Brinkman.)

J’ai eu énormément de plaisir à créer une petite vidéo à partir de la peinture.

 

Voici à quoi ressemblait mon travail dans l'installation finale. L'exposition entière est époustouflante. Consultez la page Facebook de la ville pour voir la vidéo du dévoilement.

 

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