Barbe Bleue est un conte terrifiant et glaçant.
Une partie de ce qui le rend si troublant est sa plausibilité. Curiosité, confiance, tentation, domination, violence domestique—la fable tisse tous ces thèmes ensemble. Le seul élément magique réside dans le sang sur la clé qui refuse de s’effacer.
Mon interprétation de Barbe Bleue a évolué sans que je m’en rende compte. Le bleu est la couleur complémentaire de l’orange. Peut-être que mes angoisses flirtent avec le cercle chromatique, étant donné qu’en ce moment, l’orange (un être rond à grande gueule) semble dominer au sud de la frontière.
Le dessin original provient de ma pile de travaux à réinterpréter. J’avais esquissé ce portrait lors d’un atelier de modèle vivant il y a plusieurs années, mais je n’avais jamais ressenti l’envie de le terminer. Pourquoi ai-je choisi de donner une barbe bleue à cet homme ? La question semble perplexe à première vue, mais je sens que mon subconscient absorbe les nouvelles. Beaucoup d’entre nous, nés peu après la Seconde Guerre mondiale, portent en eux une peur profonde. Le monde semble prêt à rejouer une époque où l’humanité habitait les ténèbres.
Les Barbe Bleue règnent à nouveau. En 2025, en Afghanistan, les femmes vivent sous une répression totale, interdites même de rire à voix haute, tandis qu’aux États-Unis, les droits durement acquis par les femmes dans les années soixante et soixante-dix s’effritent à grande vitesse. Des femmes meurent de complications de grossesse évitables. Oui, les Barbe Bleue sont au pouvoir.
Et pourtant, mon *Barbe Bleue* n’est pas effrayant. Je pourrais le rendre plus terrifiant, mais ce qui est vraiment glaçant chez les Barbe Bleue, c’est leur nature insidieuse. Ils ne semblent pas dangereux au premier abord. Leur véritable visage n’apparaît qu’au fur et à mesure qu’ils accumulent du pouvoir.
J’ai créé une autre œuvre à partir du dessin de *Barbe Bleue*, alternant une fois de plus entre techniques traditionnelles et numériques. À mesure que le dessin avançait, je l’ai photographié et j’ai expérimenté des transformations numériques. L’un des résultats m’intrigue particulièrement : *Barbe Bleue* se métamorphose en un homme au visage rouge, déformé. Je ne connais aucun conte parlant de « Visage rouge », alors peut-être devrais-je en inventer un. Sa rougeur ne disparaît jamais. Chaque acte cruel ou mesquin fait saigner son visage et, comme les statues ou icônes qui pleurent, le sang ne cesse jamais de couler. Ce n’est pas une histoire joyeuse, mais le mois de février 2025 ne l’est pas non plus.
Puisse-t-on bientôt retrouver paix, tolérance et respect… sinon…
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