Après deux récents projets numériques en plein air, je suis revenue à des méthodes plus traditionnelles. Mais je soupçonne que les deux approches vont à nouveau se fondre d’ici peu.
Le centre d’artistes autogéré Gueulart a récemment lancé un appel à ses membres pour une prochaine exposition collective. Le défi ? Recycler des objets ou des matériaux pour en faire des nouvelles œuvres inédites et dynamiques. Pour la plupart des artistes, moi comprise, c’est le genre d’invitation impossible à refuser.
J’avais dans l’atelier une pile de tests d’impression couleur qui prenait la poussière. Trop intéressants pour finir à la poubelle. Je les gardais précieusement pour le projet parfait, et voilà que cette occasion de recycler mes expériences par le collage se présentait.
Découper des images, c’est un joyeux chaos. En mode création intense, mon atelier rivalise avec celui de Francis Bacon. Peu importe mes efforts pour rester ordonnée, l’inspiration a vite fait de tout mettre sens dessus dessous, au figuré, heureusement.
Pendant que je réfléchissais à mes idées, des ouvriers faisaient des travaux dans la maison. L’un d’eux, mon ami Ted, a gentiment accepté de me prêter sa scie sauteuse pour que je puisse découper un reste de contreplaqué.
J’ai travaillé sur deux pièces en même temps. Je voulais créer des images inspirées des oiseaux, car je suis actuellement fascinée par les serres et par la forme et la texture des ailes. Pour la première œuvre, j’ai dessiné une silhouette d’aile sur le contreplaqué et l’ai découpée sur la petite table portative de Ted. (La dernière fois que j’avais utilisé une scie sauteuse, j’avais accidentellement entaillé la table de cuisine. Oups !)
J’ai aussi exhumé deux monotypes expérimentaux sur papier de riz jaune de ma réserve de « choses que j’utiliserai un jour » et décidé d’en employer un pour Memento Mori. Habituellement, je commence un collage avec des formes et des couleurs audacieuses, mais cette fois, j’ai « peint » avec de minuscules morceaux de papier. Mon objectif : fusionner peinture acrylique et collage de façon harmonieuse.
J’ai construit une figure à partir de tirages découpés et tout collé en couches : d’abord sur le monotype, puis sur du papier blanc, et enfin sur l’aile en contreplaqué. Trois couches créant un subtil bas-relief.
J’ai découpé des silhouettes d’oiseaux dans mes tirages écartés et peint le contreplaqué avec des couleurs à effets iridescents et d’interférence. J’ai aussi appliqué, directement au tube, une peinture acrylique « vitrail » couleur cuivre pour tracer des lignes texturées. La silhouette d’oiseau mort au bas était essentielle, non seulement visuellement mais aussi sur le plan thématique. Le titre Memento Mori reflète mon chagrin constant face au déclin mondial des populations d’oiseaux.
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Memento mori |
Pendant ce temps, la deuxième pièce prenait des directions aussi surprenantes que réjouissantes. J’ai créé d’autres personnages en papier et j’ai éclaté de rire en coiffant mon « oiseau napoléonien » d’un chapeau en forme de chauve-souris. La figure féminine, elle, arbore un large sourire et des seins inspirés des déesses de fertilité préhistoriques.
Pour le fond, j’ai peint un ciel d’orage traversé de fils électriques. Pour citer Snoopy : « C’était une nuit sombre et orageuse. » Je voulais que la pièce évoque une fenêtre et ai brièvement envisagé d’y ajouter rideaux et cadre, mais cela me semblait trop littéral. Restant dans l’esprit des oiseaux, j’ai choisi faire voler la fenêtre.
La scie sauteuse est donc ressortie. J’ai dessiné d’autres ailes sur le contreplaqué restant. La table de Ted n’étant pas disponible, j’ai repris le risque sur la table de cuisine. Bonne nouvelle : aucune victime cette fois ! Vivre avec une artiste n’est pas de tout repos. Heureusement, mon compagnon Mart tolère mes folies tant que je ne m’approche pas de son bureau.
J’ai vissé les ailes en contreplaqué sur un panneau de bois et attaqué la suite.
J’ai découpé des morceaux de toile en forme de plumes et les ai collés au médium acrylique sur le contreplaqué. J’ai roulé de petits « cigares » de toile que j’ai collés le long des bords du panneau pour créer une courbe en relief, puis recouvert le tout de pâte à modeler acrylique.
Après une couche de gesso noir, j’ai appliqué de la peinture vitrail transparente pour texturer les plumes, suivie de couches scintillantes de peintures à effets iridescents et d’interférence, afin de reproduire les reflets des ailes.
En accrochant la pièce au mur, j’ai constaté que la silhouette évoquait un kimono. Pour dissiper cette illusion, j’ai ajouté des plumes le long des côtés du panneau et de petites plumes aux coins supérieurs. Dernière étape : un vernis brillant sur la partie « fenêtre » pour imiter l’éclat d’une nuit pluvieuse. Ainsi est née la très funky Fenêtre Volante.
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La fenêtre volante |
Pour la troisième œuvre de l’exposition, j’ai présenté une pièce plus ancienne intitulée Le Trône. C’est un assemblage irrévérencieux peint dans les couleurs emblématiques de Toutânkhamon sur un siège de toilette en chêne. À l’intérieur, une figurine sculptée en argile, un serpent et quelques bijoux fantaisie pour un soupçon de bling antique. Imaginez la rencontre des toilettes et de la chambre funéraire.
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Le Trône |
De nombreuses autres œuvres fascinantes sont à découvrir dans l’exposition collective Seconde Vie au Centre d’artistes autogéré Gueulart. L’entrée est gratuite tout l’été, jusqu’au 14 septembre. Bienvenue à toutes et à tous.
678, rue St-Régis, St-Isidore, J0L 2A0
Mer-ven 13 h 30-19 h 30, sam-dim 11 h-17 h
Tél. : 514 400-5351
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